Anthologie établie par Dominique Chipot
Préface de Jean Rouaud
Le mot de l’éditeur :
Ce livre me pousse à bousculer d’emblée une idée reçue : non, l’art du haïku ne fut pas découvert en France après la destruction d’Hiroshima. Au début du XXe siècle, des poètes initiés à la sensibilité japonaise écrivaient déjà des haï-kaïs publiés dans des revues ou des plaquettes. Lors de la Première Guerre mondiale, de jeunes poètes, qui avaient rendez-vous avec la mort, se sont livrés à cet art de l’esquisse, saisissant un tableau en trois coups de brosse. Leurs noms sont aujourd’hui méconnus mais ils suscitèrent l’admiration d’Apollinaire, de Max Jacob ou du jeune Paul Éluard. Quant à leurs textes… ils sont plus que de simples poèmes : ce sont des projectiles, des éclats d’humanité, des brisures d’espoir, de peur ou de vie. Les voici rassemblés pour la première fois dans une anthologie qui comporte des textes rares et de nombreux inédits. La fulgurance du fragment face au désastre de la guerre.
Extraits :
En pleine figure,
La balle mortelle.
On a dit : au cœur – à sa mère.
René Maublanc
Cla, cla, cla, cla, cla...
Ton bruit sinistre, mitrailleuse,
Squelette comptant ses doigts sur ses dents.
Julien Vocance
Dans un trou du sol, la nuit,
En face d’une armée immense,
Deux hommes.
Julien Vocance